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Question de M. Cédric Perrin (Territoire de Belfort - Les Républicains) publiée le 29/02/2024

Question posée en séance publique le 28/02/2024

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cédric Perrin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, le chef de l'État a tenu lundi dernier des propos qui ont surpris, voire inquiété, les Français et nos alliés.

En juin 2022, il recommandait de ne pas humilier la Russie, alors que les Ukrainiens subissaient depuis cent jours les assauts de l'armée russe. Aujourd'hui, il affirme que l'envoi de troupes au sol ne devrait pas être exclu. Il a compris que la méthode douce ne fonctionnait pas avec Vladimir Poutine. Son entourage tente d'expliquer, d'ailleurs, qu'il aurait souhaité envoyer un signal à la Russie. Mais on ne peut pas improviser sur un tel sujet sans se concerter avec nos alliés !

Ces effets de manche nous isolent et ils obligent nos alliés à se désolidariser. Le sujet est trop sérieux et trop grave : c'est de la sécurité des Français et de l'Europe qu'il s'agit.

Monsieur le Premier ministre, comment le chef de l'État peut-il sérieusement envisager l'envoi de militaires sur le terrain alors que nous ne sommes qu'au début de la relance de notre effort de défense ?

Comment imaginer envoyer des troupes au sol, alors que nous ne sommes pas capables de fournir à l'Ukraine les armes et les munitions dont elle a besoin ?

Je terminerai mon propos par ces mots du Premier ministre polonais, Donald Tusk : « Si tous les pays de l'Union européenne étaient autant impliqués dans l'aide à l'Ukraine que la Pologne, il ne serait sans doute pas nécessaire de discuter d'autres formes de soutien. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - M. Alain Cazabonne applaudit également.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 29/02/2024

Réponse apportée en séance publique le 28/02/2024

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président Perrin, je suis absolument convaincu que personne ici ne pourrait accepter l'idée ou la perspective que la Russie gagne cette guerre. D'abord parce que, derrière l'Ukraine, il y a nous !

Si un certain nombre de pays historiquement neutres - je pense à la Suède, à la Finlande - font le choix de rejoindre l'Otan, c'est bien parce qu'ils perçoivent une menace directe à leur encontre.

Je vous renvoie également aux déclarations de ministres de la défense de certains de nos voisins, notamment allemand et britannique, relatives à la perspective de conflits en Europe qu'ils prévoient pour les cinq ou dix prochaines années.

Il y a une autre raison pour laquelle on ne peut accepter l'idée que la Russie l'emporte : la guerre que mène ce pays contre l'Ukraine est aussi une guerre contre un modèle et des valeurs qui sont les nôtres.

La Russie cherche à démontrer que la démocratie serait un état de faiblesse et que l'État de droit serait un état d'indécision. Notre responsabilité, que nous assumons depuis deux ans, est précisément de montrer l'inverse.

La France, dès le début de ce conflit, a toujours recherché la paix, en premier lieu par la voie de la diplomatie. Je veux rappeler la mobilisation du Président de la République qui est allé à Moscou rencontrer Vladimir Poutine pour chercher, par la voie diplomatique, à le faire renoncer à son projet d'agression.

Nous avons constaté que les paroles de Vladimir Poutine ne valaient rien et qu'il ne tenait aucun de ses engagements. Depuis lors, nous avons assumé avec nos partenaires européens, pour les raisons que je viens d'évoquer, la position consistant à soutenir les Ukrainiens dans ce combat.

Chacun ici se souvient que, à l'époque, voilà deux ans, nombreux étaient ceux qui excluaient des modalités de soutien qui se sont, ensuite, révélées effectives. Je me rappelle ainsi que, au début de ce conflit, de nombreux responsables politiques, y compris chez un certain nombre de nos alliés, excluaient absolument la possibilité de soutenir les Ukrainiens en leur envoyant des missiles ou des chars. À l'époque, on parlait plutôt de sacs de couchage et de jumelles... La réalité est qu'aujourd'hui les Européens sont unis pour soutenir militairement les Ukrainiens et leur permettre de résister.

Au tout début du conflit, la perspective d'une Europe unie qui prononce des sanctions extrêmement fermes contre la Russie et ceux qui financent cette guerre n'était ni atteinte ni en passe de l'être !

Nous l'avons vu, la Russie a changé de posture : elle s'est durcie dans le cadre de ce conflit, de cette agression armée, mais aussi vis-à-vis de la France et de ses alliés. Vous en êtes conscient en tant que président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, et chacun l'aura également constaté.

Multiplication de fausses informations pour nous intoxiquer, tentatives de déstabilisation pour nous diviser, déstabilisation de pays dans lesquels nos forces étaient déployées - je pense au Sahel -, multiplication des cyberattaques, militarisation de l'espace : en réalité, la Russie est une menace directe et immédiate pour la France sur tous les plans.

Au vu de ces conditions, le Président de la République a réuni une coalition internationale de chefs d'État, qui a dégagé plusieurs consensus : le constat du durcissement de la posture russe ; la nécessité d'aller plus loin tant dans la fourniture d'équipements militaires aux Ukrainiens, pour qu'ils puissent se défendre, que sur un certain nombre d'autres chantiers.

Le Président de la République a été interrogé : pouvait-il exclure des perspectives par principe ?

Monsieur le président Perrin, au regard de ce que je viens de vous dire, de l'historique de ce conflit et du changement de posture de la Russie, le Président de la République pouvait-il dire, en responsabilité, qu'il exclut par principe certaines perspectives ? Je ne le crois pas !

Je le dis de manière très claire, les soldats français dont on parle pourraient tout à fait accomplir des missions de formation, des actions de défense sol-air ou de défense de frontières. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Certaines interventions donnent le sentiment que le Président de la République avait annoncé un certain nombre de choses... Non ! Je le répète, il a, en responsabilité - et je considère qu'il a fait preuve d'une grande responsabilité -, refusé d'exclure des perspectives.

Si nous avions écouté ceux qui excluaient certaines perspectives il y a deux ans, nous ne soutiendrions pas militairement les Ukrainiens aujourd'hui, et ceux-ci n'auraient probablement pas survécu à l'agression russe et combattu comme ils le font héroïquement depuis deux ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes INDEP et UC.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour la réplique.

M. Cédric Perrin. Monsieur le Premier ministre, je vous remercie d'avoir répondu personnellement à cette question importante.

Le Président de la République souhaitait maintenir l'ambiguïté stratégique. Or il a obtenu l'effet inverse, puisqu'il a obligé nos alliés à sortir de cette ambiguïté en annonçant clairement qu'ils étaient, quasiment tous, contre l'intervention au sol. Je pense qu'il faut être responsable sur ces questions et qu'il serait bon de consulter le Parlement sur ce sujet.

Par ailleurs, plutôt que de formuler toutes ces petites phrases, qui me paraissent dangereuses, il me semble important - je vous rejoins sur ce point - d'apporter un soutien efficace à l'Ukraine.

La seule chose que comprend Vladimir Poutine, ce sont les rapports de force. Le mieux que nous ayons à faire, car c'est le meilleur rapport de force que nous puissions lui opposer, c'est de nous comporter comme un allié exemplaire et de fournir aux Ukrainiens les munitions et les matériels dont ils ont besoin. C'est le plus important aujourd'hui ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

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